mardi 24 mars 2020

SNSM : Prendre des risques pour sauver des vies

par Nadège TERNY et Olivier MARTIN



SNSM : Prendre des risques pour sauver des vies 


Le sauvetage en mer à travers les âges :
C’est à la fin du 19e siècle que l’opinion publique prend conscience des lacunes en matière de sauvetage en mer après les naufrages de l’Amphitrite en 1833 et de la Sémillante en 1855. 



Face à cette situation, différentes organisations voient le jour afin de porter secours aux hommes navigants en mer et près de nos côtes.

Figure 1 « Ils sauvent des vies humaines, en mer et sur les côtes, depuis plus d'un siècle. » 

L’Amiral Charles Rigault de Genouilly est à l’origine de la création en février 1865 de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés (SCSN) 

Il fût nommé comme 1er Président et la SCSN reconnue d’utilité publique par le décret du 17 novembre 1865. La famille de l’Impératrice Eugénie contribue en faisant don des premiers canots.

Figure 2 « Canotiers en tenue de mer à Audierne ©DR » 

La Société des hospitaliers sauveteurs bretons (HSB) voit le jour en 1873. 

Son fondateur, Henri Nadault de Buffonson, précise que "cette œuvre est à la fois une institution de sauvetage et de sauveteurs et une société de bienfaisance, de moralisation et d’encouragement au bien". 

Dès leur création, la SCSN et l’HSB ne fonctionnent que grâce aux dons et aux bénévoles. 

Après-guerre, les activités nautiques sont en pleine croissances. C’est alors que la SNSM telle que nous la connaissons aujourd’hui est née de la fusion de la SCSN et l’HSB en 1967 avec à sa tête L’amiral Amman. 

Association loi 1901 reconnue d’utilité publique en 1970, la SNSM a pour principale mission « de secourir bénévolement et gratuitement les vies humaines en danger en mer et sur les côtes ».


Les Missions : 

  • Sauver des vies en mer. Les sauveteurs en mer sont tous bénévoles et ont pour missions de porter assistance à toute personne en situation de naufrage réel ou potentiel. Ils doivent faire preuve d’une grande adaptabilité et d’un savoir-faire optimal pour répondre efficacement et en toute sécurité aux demandes d’intervention du CROSS. 
  • Prévenir les risques et sensibiliser le public sur les dangers de la mer, l’informer sur les règles de bon sens à adopter fait partie intégrante de la mission de la SNSM.  Régulièrement des actions sont menées auprès des usagers pour sensibiliser et les inciter à avoir une pratique consciente, responsable, respectueuse et humble envers la mer. 
En 2018, les Sauveteurs en Mer ont porté secours à 30 000 personnes dont plus de 9 000 en mer. 

Les Acteurs : 

Son Président, Xavier de la Gorce et tous les organes de la direction (organisation administrative) siège à Paris et gèrent les stations et les centres de formation. 

La SNSM c’est 800 cadres formateurs bénévoles dans 32 Centres de Formation et d’Intervention (CFI) 

Les sauveteurs bénévoles suivent une formation intense, d’abord au CFI puis au centre de formation national de St Nazaire. 

C’est également 8000 sauveteurs bénévoles sur 250 sites. Ils sont considérés comme des professionnels sous couvert des Affaires Maritimes. Les profils sont très variés et ne sont pas forcément des professionnels de la mer. 

Les bénévoles signent une charte de bénévolat et ne perçoivent aucunes rémunérations. Cette charte n’est pas un contrat de travail mais un contrat moral. L’association mise sur la volonté de créer un groupe, une famille où l’entraide et la solidarité sont moteur pour réussir leurs missions. 

Le profil idéal : Disponibilité, bonne volonté et grande motivation ! 

On peut distinguer 2 types de sauveteurs en mer : 
  • Les nageurs sauveteurs qui interviennent sur les plages et dans la bande des 300 premiers mètres depuis le littoral. 
  • Les sauveteurs embarqués qui interviennent en mer (3350 sauveteurs sur 218 stations de sauvetages). 50 % des missions de sauvetage s’effectue par moyen nautique 
Les équipages sont organisés par poste et chaque membre a sa spécialité à bord : 
  • "Le Patron" : Assure le commandement, a la responsabilité des opérations et moyens de sauvetage mis en œuvre. 
  • "Le Pilote" : Adapte la navigation en fonction de l’état de la mer. Il prend en compte la sécurité de l’équipage et des victimes. 
  • "Le Chef de Pont" organise, dirige et contrôle le travail des équipiers en collaboration avec le « Patron » 
  • « Les Equipiers » exécutent les ordres du « Chef de Pont » en préparant et mettant en œuvre le matériel nécessaire à l’accomplissement de la mission. 
Le planning d’astreintes est établi chaque mois en fonction des disponibilités. Les bénévoles font en moyenne 3 gardes par semaines. Il s’agit de garde astreinte à domicile 

« Dès réception de l’appel du Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) nous avons 20 minutes maximum pour embarquer, à tout heure du jour ou de la nuit, tous les jours de l’année et quel que soit le temps. » (Patron : Fabrice Munier SNSM STATION SNSM DE ROYAN - CÔTE DE BEAUTÉ) 

Les sauveteurs connaissent les risques auxquels ils vont être confrontés pour porter secours aux personnes en difficultés. Les équipiers suivent des formations et effectuent chaque jour des entraînements rigoureux. Ils ont à leur disposition des moyens de sauvetage ainsi que des équipements modernes et adaptés.


Former pour sauver :

a) Nageur-Sauveteur : https://www.snsm.org/comment-devenir-nageur-sauveteur
  • Les bénévoles effectuent plus de 300 heures de formation.
  • Les exigences sont considérables afin de garantir un niveau de compétence élevée. 
  • En complément du Premier secours en équipe » niveau 1 et 2 (PSE1 et PSE2). (Prérequis BNSSA) (cf. Arrêté du 22 juin 2011 modifiant l'arrêté du 23 janvier 1979 modifié fixant les modalités de délivrance du brevet national de sécurité et de sauvetage article 2bis, les bénévoles doivent acquérir les qualifications suivantes : 
  • Le Brevet National de Secourisme et de Sauvetage Aquatique (BNSSA) pour la surveillance des plages, 
  • Le permis côtier 
  • Le certificat restreint de radiotéléphoniste (CRR), 
  • Le certificat de surveillance et sauvetage aquatique sur le littoral (SSA). 


La SNSM suis l’évolution des technologies et développe ses propres cursus de formation. 

« Les formations s’articulent autour de 4 grands domaines de compétences : 
  • Axe général - Management et connaissances générales : gestion des équipes, gestion du stress, etc. 
  • Axe maritime : navigation, travail à la passerelle, maîtrise de la navigation opérationnelle à bord des canots et vedettes de la SNSM, communication, etc. 
  • Axe recherche et sauvetage : techniques de recherche en mer, plongée opérationnelle, recueil de naufragés, survie, etc. 
  • Axe technique : maintenance et maintien en conditions opérationnelles de nos moyens, lutte contre l’incendie, etc. » 
La formation seule ne suffit pas, il faut également pratiquer pour continuer à être performant et parfaitement préparer à affronter toutes sortes de situations : « Chaque exercice met quand même un petit coup de stress parce qu’on n'est pas à l'abri d’une difficulté. Il n'y a pas de risque zéro même si on essaye de tout préparer, de tout faire conformément au protocole de sécurité. Les gestes sont précis, les gestes sont travaillés, tout le monde sait ce qu'il a à faire mais on n'est pas à l'abri d'une erreur » (Yannick Delval, patron suppléant de la station de sauvetage d’Etel).


Equipements : 

Pour mener à bien leur mission de sauvetage la SNSM dispose de 41 canots tous temps, 114 vedettes, 32 semi-rigides et 463 véhicules nautiques à moteur (scooter des mers) et pneumatiques soit près de 700 moyens nautiques.

Figure 3 Vedette 1ere classe « Amiral de Castelbajac » - SNSM Royan Côte de Beauté (Photo N. Terny) 

Figure 4 Semi-rigide de 7,5m "-  « Océane II » - SNSM Royan Côte de Beauté (Photo N. Terny) 

Les vedettes de la SNSM sont conçues comme des Culbutos. Les moteurs et les réserves de carburant sont placés au fond de la coque. Grâce à cette conception, elles sont auto-redressables et insubmersibles. 

La flotte de la SNSM bénéficie d’équipements intégrant les avancées technologiques en matière de : 

Systèmes d'aide à la navigation : Radar, sondeur, GPS, cartographie électronique et traceur de route 

Matériel de recherche et de localisation des naufragés : Radio goniomètre VHF (permet de localiser l'origine du signal de détresse), jumelles à vision nocturne, projecteur de recherche à lumière chaude ou froide, systèmes Wavefinder et Seareka, caméra infrarouge (permet de localiser précisément un homme tombé à la mer). Pour identifier un bateau à partir de son numéro Maritime Mobile Service Identity (MMSI) l’ensemble de la flotte est doté d’équipements Automatic Identification System (AIS). 

Systèmes de communications : Radio VHF/ASN, appareils “système mondial de détresse et de sécurité en mer” (SMDSM). 

Internet s’est également invité à bord depuis 2018 avec la 4G.



Figure 5 Vedette 1ere classe « Amiral de Castelbajac » SNSM Royan Côte de Beauté Poste de pilotage
(Photo N. Terny) 

Chaque bateau reçoit une dotation de matériel de premiers secours composé d’un défibrillateur semi-automatique (DSA), d’oxygène, coques gonflables et plans durs flottants pour la manipulation et le transport en toute sécurité des naufragés blessés. 

Les sauveteurs en mer bénéficient également de protection individuelle à la pointe de la technologie. Plus ergonomique et surtout visible de jour comme de nuit, la nouvelle génération de gilet de sauvetage SOLAS 190 N équipe aujourd’hui les navigants de la SNSM 







Conception d’une nouvelle flotte : 

La SNSM poursuit son action de recherche et développement pour ses moyens de sauvetage. 

L’objectif est d’harmoniser et simplifier la flotte actuelle tout en renforçant la sécurité des équipiers et des naufragés auxquels ils portent secours.

Figure 6 Esquisse en 3 D de la future flotte de la SNSM. https://www.snsm.org/les-navires-de-demain-se-dessinent-aujourdhui

Ces nouveaux bateaux sont en phase de conception. Le groupe de travail numéro 5 (GT5) a rédigé un cahier des charges visant à élaborer une gamme de bateaux cohérente et simplifiée. Le GT5 a accompagné l’architecte Frédéric Neuman et son équipe pour dessiner une première ligne de navires en collaboration avec tous les représentants des futurs utilisateurs. 

Actuellement la flotte de la SNSM compte une vingtaine de modèles différents. Dans la future flotte, on pourra distinguer 2 familles de bateaux : 

- Les Navires de Sauvetage Hauturiers (NHS) 
  • Spécialisés pour les interventions en haute mer dans des conditions météorologiques très dégradées. 
  • Insubmersibles et auto redressable. 
  • Périmètre d’intervention allant jusqu'à 20 milles des côtes, voir 50 milles, sans impact critique sur leurs performances. 

- Les Navires de Sauvetage Côtier (NSC). 
  • Spécialisés pour les interventions par temps maniable et près des côtes. 
  • Basés dans des ports où des NHS ne peuvent être logés du fait de leur grande taille. 
  • 4 NSC de taille différente pour répondre à tous les circonstances
    • Le NSC1 et le NSC2, pour les interventions entre 20 et 10 milles au large.
    • Le NSC3 semi-rigide pouvant être facilement mis à l’eau sur des zones aménagées ou non, à proximité de la zone de sauvetage.
    • Le NSC4, plus adapté pour les postes de plage, en remplacement des scooters des mers
Figure 7 Le NSC2, avec timonerie modulable ou sans timonerie 

La réflexion qui a été menée pour l’élaboration de cette nouvelle flotte a pour but premier de renforcer la sécurité des sauveteurs et des personnes secourues et d’optimiser l’efficacité des navires. Elle repose également sur les retours d’expérience de l’utilisation des anciens bateaux et les différences de pratiques d’une station à l’autre. 

L’expression de besoin des 218 stations de la SNSM ont été examinés et pris en compte dans la conception de cette nouvelle génération de bateaux.


Quelques exemples de modifications : 
  • Au-delà d’un état de mer 2 (Mer belle : se couvrant de vaguelette. Hauteur de vague de 0.10 à 0.50 m) la potence de grutage est qualifiée de dangereuse. Pour la remplacer, un système innovant appelé "l’écope" a été retenu. Aux Pays-Bas, les nouvelles vedettes des sauveteurs en sont déjà équipées. Ce système est situé à l’arrière du navire et se bascule au niveau de l’eau à l’aide de vérins. 
Grâce à cet aménagement, les sauveteurs rester en sécurité sur le bateau tout au long de la manœuvre de sauvetage d’une victime ne pouvant pas monter seule à bords du bateau. Une fois la manœuvre terminée, l’écope est repositionnée verticalement. 

La timonerie a été installée plus en avant sur bateau pour laisser un maximum d’espace à l’arrière et ainsi facilité les manœuvres de sauvetage. 

Le pare-brise "inversé" rend la timonerie assez spacieuse pour accueillir tout le monde et crée un volume de flottabilité. L’embarcation reste ainsi insubmersible et auto redressable. Une grande surface vitrée garantit à tous les membres de l’équipage la visibilité nécessaire au bon déroulement des opérations. 

De nombreux rangements sont prévus pour le stockage du matériel et l’équipement du personnel à bord. 

A quand la 1ere mise à l’eau ? 

L’Herbaudière à Noirmoutier pourrait être la première station à bénéficier du premier NSH1 courant 2020. 
Mais de nombreuses questions restent encore sans réponses et notamment celle du financement. La SNSM fonctionne en grande partie grâce aux dons (environs 100 000 donateurs), aux financements de partenaires privés et collectivités territoriales (régions, département, communes). Les investissements pluriannuels pour financer l’achat de nouveaux bateaux sont particulièrement difficiles ; un navire hauturier représente un investissement de plus d’1 million d’€. 


« Dévouement, bravoure et solidarité... Les Sauveteurs en Mer, c'est un engagement fort et gratuit au service de la sauvegarde des vies humaines en mer et sur le littoral. Depuis plus d'un siècle, les Sauveteurs en Mer interviennent bénévolement et gratuitement pour que la mer reste un formidable espace de liberté. » 



Sources : 

Fabrice Munier, patron de la station SNSM DE ROYAN - CÔTE DE BEAUTÉ 





Article de Jean-Claude Hazera publié dans Sauvetage numéro 144 2ème trimestre 2018.

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