mercredi 20 décembre 2017

Risques sanitaires : des égouts pas aussi d-égoût-ants

Le 15 Décembre 2017, les étudiants de l’Université de Marne La Vallée (UPEM) en Licence professionnel Qualité, Hygiène, Sécurité, Santé, Environnement(Q.H.S.S.E.)  ont visité le musée des égouts de Paris, situé près du pont de l’Alma. Le groupe d’étudiant : Emrah BAYRAM, Jenna LOUISSAINT, Florine NOLIN, Laurence ORER et Mathilde SYLVA, vous présentent les risques sanitaires.

Présentation des égouts de Paris

Nous devons la création des égouts à trois ingénieurs français : Eugène Belgrand, Eugène Haussmann et Eugène Poubelle. Les égouts furent créés à la demande de Napoléon III au pouvoir, à l’époque, suite à une épidémie de choléra qui a décimé une grande partie de la population. Depuis 1894, le tout-à-l’égout est obligatoire.

On compte 2500 km d’égout, situé à 6 mètres en dessous de la surface de l’asphalte. 30 000 bouches de regard qui pèsent entre 80 et 120 kg permettent l’accès aux égouts depuis la chaussée. La température y varie entre 13 et 20 degrés. Chaque année, ce sont 1 500 000 m3 d’eau qui y sont traités.
Cartographie du réseau souterrain de Paris

A Paris, 270 égoutiers constituent la brigade de maintenance dont 8 femmes qui travaillent majoritairement à la brigade des gaz.

On trouve dans les égouts des : canalisations d’eaux usées, d’eaux potables, système de chauffage : c’est un réseau de transport à part entière, unique dans le monde, qui d’ailleurs est utilisé aussi pour le transport de la fibre. A l’époque, le réseau pneumatique servait déjà au transport des textes de loi entre les différents édifices aux alentours.

Les égouts ont été conçus en système gravitaire, en forme ovoïde, pour faciliter le travail de curage. Le curage consiste au nettoyage des canalisations, en raclant le fond. Il s’effectue avec des matériaux qui n’ont pas beaucoup évolués depuis leur création. Il y a une impossibilité d’automatisation de ces tâches.

Le système est également unitaire, car il recueille les eaux de pluie et les eaux usées. Il existe 4 types d’égouts : l’égout élémentaire, le collecteur primaire, le collecteur secondaire, l’émissaire qui amène les eaux à la station d’épuration.

Les interventions

Lors d’intervention dans les égouts, un périmètre de sécurité est mis en place autour de la bouche de regard avant son ouverture. Un garde orifice protège ses collègues dans les égouts, ainsi que les usagers de la route et les piétons.

Avant de descendre dans les canalisations, il faut tout d’abord, s’assurer qu’il n’y a pas de gaz sulfure d’hydrogène reconnaissable à son odeur “d’oeufs pourris” qui est extrêmement inflammable et mortel par inhalation. La progression dans les canalisations est difficile, car elle se fait à la lampe torche (il n’y a pas d’électricité) et la circulation de l’eau créé un environnement très bruyant.

L’environnement et les risques sanitaires 

Il n’est pas rare de rencontrer des rats dans les canalisations, ce sont des animaux utiles aux égoutiers, car non seulement, ils mangent nos déchets, mais ce sont également de bons avertisseurs de danger en cas de présence de sulfure d’hydrogène. On peut y croiser également des serpents, des blattes, des araignées ainsi que des moustiques.

Au cours de leur activité professionnelle, les égoutiers sont exposés à de nombreux agents chimiques et biologiques présents dans l’air, l’eau. L’exposition se fait par inhalation de gaz, de vapeurs ou d’aérosols, par contact cutanéo-muqueux et par ingestion.


En cas de contact d’une plaie avec les déjections de rats, on peut développer la leptospirose (maladie bactérienne transmise par l’urine des rongeurs en particulier celle du rat qui peut conduire à l’insuffisance rénale voire la mort). Un vaccin est proposé en France uniquement aux travailleurs très exposés tels que les égoutiers et les éboueurs, mais il ne protège pas contre toutes les souches de la maladie.
Les agents biologiques (bactéries, virus, champignons, parasites) sont des organismes microscopiques, naturellement présents dans l’environnement et dans tout être vivant. Certains d’entre eux sont très utile et sont utilisés dans les médicaments, mais d’autres sont à l’origine d’infections, d’allergies et d’intoxications. Ce sont des agents pathogènes. Les conditions environnementales spécifiques des égouts (taux d’humidité, luminosité, nourriture) en font un milieu propice à la prolifération de ces micro-organismes.

Les égoutiers s’exposent aux :
  • Risques infectieux : la pénétration puis la multiplication d’un agent biologique dans l’organisme (hépatites).
  • Risques immuno-allergiques : les agents pathogènes à l’origine de réactions allergiques ou des réactions d’hypersensibilité
  • Risques toxiques : intoxication résultant de la sécrétion de toxine de certaines bactéries  (ex le tétanos)
  • Risques cancérigènes : un cancer est une tumeur maligne formée par la multiplication désordonnée de cellules. Lorsque certaines infections deviennent chroniques, elles peuvent parfois provoquer des cancers.
La contamination peut se faire de différentes manières :
Directe
Inhalation/ ingestion de gouttelettes ou de poussières contaminées
Pénétration transcutanée, avec ou sans projections
Semi-direct
Ingestion par le biais des mains souillées que l’on porte à la bouche
Indirect
Piqûre par une seringue contaminée, morsure d’animal, coupure par un objet rouillé


Les défenses immunitaires peuvent être stimulées par la vaccination, un moyen de prévention très efficace, mais le nombre d’agents infectieux pour lequel on dispose d’un vaccin est malheureusement limité. La vaccination contre les hépatites est cependant obligatoire.

Les mesures préventives

Quelques mesures de protection, de prévention et de bonnes pratiques sont indispensables afin de réduire les risques sanitaires auxquels sont exposés les égoutiers.
Il faut respecter les règles d’hygiène élémentaires, telles qu’éviter tout contact des mains souillées avec les muqueuses (yeux, nez, bouche).
Lors d’une opération de curage, il est important pour les égoutiers de porter des EPI (Equipements de Protection Individuelle) à leur taille et surtout d'être équipé comme les escaladeurs, car le plus gros risque est la chute.

Les EPI des égoutiers se composent de protections basiques : casque, lunettes de protection, gants, bouchon anti-bruit et lampe, ainsi que de protections plus spécifiques au milieu tels que : harnais, bouteille d’oxygène, cuissardes cloutées, détecteur de gaz et une combinaison anti-moustiques.

Malgré tous les EPI existants, la vaccination (bien que non obligatoire) reste fortement conseillée par la médecine du travail. A l'heure actuelle, seuls les vaccins contre les hépatites restent obligatoires.

Du fait de ces conditions de travails particulières, les égoutiers prennent leurs retraites à 52 ans et ont une espérance de vie inférieure de 10 ans par rapport au reste de la population.

L’Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, environnement, travail (ANSES) a publié une expertise sur les expositions et les risques sanitaires spécifiques auxquels sont soumis les égoutiers. « Les études de mortalité objectivent une surmortalité significative principalement pour les cancers du foie et du poumon, sans qu’il soit possible d’identifier précisément un ou plusieurs facteur(s) de risques responsables(s), notamment des agents chimiques ou biologiques exposant les travailleurs ».
En 2009, l’INRS a publié les résultats d’une étude de mortalité chez les égoutiers parisiens, réalisée à la demande de la Ville de Paris qui mettait en évidence une surmortalité par maladie digestive, cancer et suicides. « Cette campagne de mesure a notamment permis de mettre en évidence une exposition à des composés cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) et d’identifier des tâches plus exposantes que d’autres, comme le curage de bassin de dessablement, le nettoyage des dégrilleurs hautes pressions ou le curage avec engin »[1].
 Elle préconise le développement d’une formation professionnelle obligatoire pour toute personne travaillant dans un réseau d’assainissement, la mécanisation de certaines tâches, de mettre en œuvre les mesures d’hygiène et les consignes de sécurité en lien avec le service de santé au travail.

Informer la population

Cette visite nous a permis de prendre conscience de l’utilité et du rôle des égouts dans le circuit de l’eau et par conséquents du travail d’égoutier. Pour rappel, notre corps est composé à 65% d’eau d’où l’importance de préserver cette ressource naturelle.
 Il faut mettre en place des campagnes de sensibilisation afin de rappeler à la population générale que le réseau d’assainissement, le « tout à l’égout » n’est pas destiné à tout recevoir et rappeler les bonnes pratiques de rejet. Les eaux usées contiennent beaucoup de produits chimiques, de médicaments et les eaux de pluie sont de plus en plus acides, ce qui compliquent davantage le traitement des eaux par la suite. Il est bon de rappeler qu’il ne faut pas jeter dans les canalisations les graisses de fritures, les lingettes, les serviettes hygiéniques, les médicaments, … sous peines d’amende. Lors des crues, les égouts sont obstrués par tous les déchets qui ne sont pas jetés à la poubelle tels que les mégots de cigarette, les préservatifs, les journaux.
Il est également important de prendre en compte le dérèglement climatique qui risque d’avoir des impacts sur l’assainissement (modification de volume d’eau dans les réseaux, température des eaux usées collectées et transportées) et sur les mesures de protection et de prévention des professionnelles.
Nous vous invitons à découvrir le musée des égouts de Paris pour en apprendre d’avantage sur le circuit des eaux usées.



[1] www.anses.fr

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