jeudi 11 mars 2021

Le harcèlement moral au travail : une bombe à désamorcer d’urgence !


une bombe à désamorcer
Article proposé par A.RENARD - Etudiante LproQHSSTE, promo 2020-2021  

Des propos désobligeants, des conflits exacerbés, ces actes sont souvent associés au harcèlement moral qui est devenu une préoccupation dans la société. Cependant, étant un sujet assez tabou dans le monde du travail, les salariés manquent encore d’informations pour identifier et réagir face ce phénomène. Les entreprises ne souhaitent pas ébruiter ce genre d’affaires, qui risqueraient de ternir leur image. Pourtant, ce phénomène concerne tous secteurs, les entreprises de toute taille, ainsi que tous les échelons hiérarchiques. Si vous faites partie de ces personnes, prenez le temps de lire cet article, il vous sera bénéfique. 

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

La psychologue Marie-France Hirigoyen a utilisé pour la première fois, le terme « Harcèlement moral » en France dans son livre Le Harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, publié en 1998. Elle le définit comme « toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude…) qui porte atteinte par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’un salarié, mettant en péril son emploi, ou dégradant le climat de travail. » (Hirigoyen, M. (2017). CHAPITRE II - Définition et processus, Le harcèlement moral au travail, pages 10-21

En France, par l’implication du Conseil d’économique et social (CES), le harcèlement moral au travail a été reconnu le 11 avril 2001. Selon le CES, « Constitue un harcèlement moral au travail tous agissements répétés visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles, matérielles de travail d’une ou plusieurs victimes, de nature à porter atteinte à leurs droits et à leur dignité pouvant altérer gravement leur état de santé et pouvant compromettre leur avenir professionnel » (page 3, http://www.ammppu.org/abstract/harcelement_moral.pdf)

Cette définition a été retenue par le projet de loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, elle entre dans le code du travail et apparait de manière plus explicite : « un salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »

En complément de ces définitions, dans son ouvrage pionnier La persécution au travail, le psychologue Heinz a listé 45 agissements constitutifs regroupés en 5 catégories :

- Empêcher la victime de s’exprimer,

- Isoler la victime

- Déconsidérer la victime auprès de ses collègues

- Discréditer la victime au travail

- Compromettre la santé de la victime

 Il différencie ainsi un « simple » conflit ou la sévérité de la Direction ou une mauvaise ambiance de travail. 

Je vous invite à regarder ces éléments à partir de ce lien :  45 agissements selon Leymann

Que recherche l’harceleur ?

L’harceleur vise à détruire l’autre. Mais quels sont les éléments déclencheurs ?

Actuellement, la jurisprudence reconnait 3 types de formes de harcèlement moral au travail :

-          Le harcèlement individuel : L’auteur de ces agissements a une personnalité de type « obsessionnel », « pervers narcissique » ou porteuse d’une pathologie du caractère. Il pratique le harcèlement dans le but de destruction d’autrui et de valorisation de son propre pouvoir

-          Le harcèlement stratégique / institutionnel : Organisé à l’encontre d’un ou plusieurs salariés dans le but de dévier les mesures légales de licenciement. Le principe consiste à mettre toujours plus de pression, à fixer des objectifs inatteignables, à surcharger de travail. La personne devient vulnérable et finit par craquer. Cette forme institutionnelle du harcèlement provient d’un problème de structure, de management, qui est susceptible de dégrader les relations de l’ensemble du personnel.

-          Le harcèlement transversal : relève d’une dynamique collective. Il s’agit d’un moyen de balancer la souffrance collective sur un bouc émissaire. Le souffre-douleur est tenu responsable de tous les dysfonctionnements au sein de l'équipe. Il se trouve isolé du groupe. Le choix du souffre-douleur peut être dû à sa différence (religieuses, culturelles, de son apparence physique, son origine, etc.)

Quelles sont les conséquences de ces actes ?

Le harcèlement moral fait partie des RPS (Risques psycho-sociaux). Il s’agit de « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Les RPS), Le harcèlement moral peut déclencher ou renforcer d’autres effets, comme le stress et le burn-out. Ces manifestations provoquent des symptômes (Pour plus d’informations : Stress et risques harcelements-violences internes).

La répétition d’ordres humiliantes et disqualifiantes pendant un vaste temps dégrade la santé de la victime. Cependant, les troubles ne résultent pas uniquement de la provocation elle-même, mais surtout d’un sentiment d’impuissance des victimes qui les empêche de se défendre. Elles cherchent des explications logiques au comportement de leurs agresseurs.

La victime de harcèlement n’est pas la seule à souffrir.  Les collègues, la famille, l’entreprise peuvent être directement impactés par ce dommage.

Qui peut apporter une aide à la victime ?

Dans l’entreprise, la victime peut contacter son manager, les représentants du personnel, la direction des ressources humaines, un médiateur, le CSE et le médecin du travail.

L’employeur a l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir le harcèlement moral. Il faut qu’il identifie les dysfonctionnements organisationnels, améliore les pratiques managériales et s’assure du suivi. De plus, pour prévenir ce risque, il est important d’informer et de former les salariés (organiser des réunions d’information au sein de l’entreprise, des réunions de réflexion avec le CSE, des discussions en groupe ou à deux, diffuser des documents de travail sur le sujet, etc.).(pages 138-139, Dr Christian Stock. (2015). Le Harcèlement au travail : Le reconnaitre et s’en protéger)

La médecine du travail peut participer à la prévention. Elle peut également agir en présence d’harcèlement. La victime l’informe de ses conditions de travail et de son état de santé. Selon le degré d’harcèlement, elle peut proposer des solutions telles qu’une transformation/mutation du poste, établit un arrêt de travail ou prononce une « inaptitude à tous postes de l’entreprise » quand le problème vient de la hiérarchie.

Un médiateur devra être nommé au sein de l’entreprise. Il intervient pour inciter les parties à se réconcilier en vue de mettre fin à ce phénomène et d’éviter une action en justice auprès du conseil des prud’hommes.

La direction des ressources humaines, le CSE, ainsi que les représentants du personnel peuvent intervenir pour analyser la situation, trouver les éléments déclencheurs et faire cesser le problème. LE CSE dispose d'un droit d'alerte pour prévenir l'employeur de tout cas de harcèlement moral.  Il accompagne également la victime. Il est là pour écouter, aider à saisir les juridictions, orienter vers des associations spécialisées, un médecin du travail, son médecin traitant ou un soutien psychologie externe. En effet, certaines personnes préfèrent demander de l’aide à des acteurs externes de l’entreprise.

Comment prouver le harcèlement ?

D’après l’article L1154-1 du code du travail, la victime doit rassembler un certain nombre d’éléments matériels pour prouver l’existence du harcèlement.

Témoigner ce n’est pas balancer
Tous les écrits de l’harceleur portant atteinte à la victime, montrant une différence entre elle et les collègues sont des éléments de preuves : lettres recommandées, lettres d’avertissements, courriels, SMS, messages vocaux, notes internes, post-it, le rapport d’entretien annuel d’évaluation, les clauses du contrat de travail, etc. Les certificats médicaux portant uniquement sur l’état de santé et décrivant les effets du harcèlement moral sur votre santé physique et morale aussi peuvent être utilisés comme preuves, ainsi que les ordonnances pour des médicaments psychotropes.

Les victimes ne doivent pas négliger les témoins. Les témoins peuvent rédiger une attestation pour exprimer ce qu’ils ont vu ou entendu.                                                                                                                                          

Pour conclure, l’employeur est tenu de sensibiliser son personnel sur les risques liés au harcèlement moral et les moyens de préventions mis en place. Le harcèlement moral est destructeur pour le salarié qui en est victime. A long terme, les séquelles occasionnées ne disparaissent pas totalement. Victimes ou témoins, il faut oser parler le plus tôt possible pour mettre fin à ce phénomène. 

BIBLIOGRAPHIE

- Page 3, http://www.ammppu.org/abstract/harcelement_moral.pdf
Hirigoyen, M. (2017). CHAPITRE II - Définition et processus, Le harcèlement moral au travail,pages 10-21
-Article L1152-1—Code du travail—Légifrance. (s. d.). Consulté 16 mars 2021, à l’adresse https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900818)
-Les RPS, de quoi parle-t-on ? | Santé Travail FP. (s. d.). Consulté 17 mars 2021 ; https://www.santetravail-fp.fr/risques-psychosociaux/comprendre/la-rps-de-quoi-parle-t
-Stress au travail. Effets sur la santé—Risques—INRS. (s. d.). Consulté 16 mars 2021, à l’adresse https://www.inrs.fr/risques/stress/effets-sante.html
-Harcèlement et violence interne. Conséquences pour les salariés et l’entreprise—Risques—INRS. (s. d.). Consulté 11 juin 2021, à l’adresse https://www.inrs.fr/risques/harcelements-violences-internes/consequences-salaries-entreprise.html
- Pages 138-139, Dr Christian Stock. (2015). Le Harcèlement au travail : Le reconnaitre et s’en protéger. Les miniguides ECOLIBRIS
Article L1154-1—Code du travail—Légifrance. (s. d.). Consulté 16 mars 2021, à l’adresse https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033019902/


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