Le
droit à la déconnexion a été, plus que jamais, mis à mal pendant les
confinements successifs.
Une
étude menée par l'association AXA Prévention souligne que les Français sont
devenus accros aux écrans avec 4h22 en moyenne par jour. Il est donc nécessaire
de pouvoir se déconnecter en dehors de ses horaires de travail pour éviter
l’hyperconnexion dont nous sommes déjà victimes dans notre vie privée.
Mardi 17 mars 2020. Date du 1er confinement en France. Des millions de Français passent au télétravail et j’en fait partie. Après avoir été chercher mon matériel informatique au bureau, je m’installe confortablement dans mon canapé pour mon premier jour de télétravail.
Je
rattrape beaucoup de retard que j’avais accumulé et décide même de m’avancer
pour les jours à venir : pas de collègues = pas de discussions informelles
= je suis plus productive.
J’allume
la lumière, dis donc, la nuit tombe vite !
L’horloge affiche 23h30 et je me rends compte que j’ai travaillé beaucoup plus de temps que prévu, sans même m’en rendre compte…
En quoi le fait de ne pas se déconnecter de son travail est-il un risque pour la santé mentale ?
Qu’est-ce
que le droit à la déconnexion ?
Déconnecter
signifie « se séparer, se détacher d’un tout, supprimer les
connexions » (Larousse).
Le droit à la déconnexion c’est « autoriser au salarié de ne plus être disponible pour son employeur en dehors de ses horaires de travail, et protéger son temps de repos » (Challenges).
Une
déviance peut même découler du droit à la déconnexion : Le cyberharcèlement. Il y a des pratiques dans
les sociétés qui peuvent nous « forcer » à rester connecté à toute
heure. « L’harceleur utilise les moyens de communication digitaux ou des
réseaux sociaux pour perpétrer une série d'offensives personnelles » (Crise-Up). Il faut donc se
méfier des excès de contrôles de connexion à un réseau professionnel (tchat par
exemple), de l’isolement (ne pas être dans la boucle d’un mail fait à toute une
équipe), des sollicitations déplacées ou à heure excessive, etc.
La loi Travail (El Khomri) de 2016 a entre autres comme objectif d'adapter le droit du travail à l'ère du digital. Le principe de droit à la déconnexion a été repris dans l'article 55 de la loi, qui se trouve dans le chapitre II intitulé "Adaptation du droit du travail à l'ère du numérique".
L
2242-8, 7° du code du travail :
« Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ». (Legifrance)
La
loi El Khomri ne prévoit pas de définition claire et précise du droit à la
déconnexion, tout comme le Code du travail. C’est donc aux entreprises
elles-mêmes d’en définir les modalités à travers une charte. Ceci explique les
nombreuses dérives, les définitions de ce droit étant propres à chaque
entreprise.
A l’aire
du numérique, du digital et de l’hyperconnexion, il est très difficile de
rester déconnecté. Avec les applications mobiles, même si l’ordinateur est
éteint, les mails et les tchats peuvent être affichés en plein milieu d’une
conversation privée.
De
plus, se fixer un horaire raisonnable, surtout en télétravail, est une
obligation que peu de travailleurs respectent. En effet, de nombreux
télétravailleurs déclarent travailler plus longtemps. L'une des raisons à cela
est que la frontière entre vie professionnelle et vie familiale est mince dans
ce type de travail. Il est également tentant de travailler à des heures
irrégulières ou de rester éveillé tard pour terminer un projet et avoir le
sentiment de prendre de l’avance.
L’hyperconnexion est un risque pouvant
être classé dans les risques psychosociaux (RPS) à travers le document unique
(DUERP). En effet, le fait d'être sans arrêt sollicité par son travail lors de
ses heures de pause (après le travail, pendant le week-end ou les vacances) est
une source de stress parfois négligée.
La réception constante de notifications
provenant d’e-mails, messagerie instantanée et autres réseaux sociaux génèrent
du stress car nous voulons y répondre rapidement.
L’e-mail facilite le burn-out car le
sentiment de perdre pied peut très vite arriver, avec une boîte e-mail saturée.
Le temps qui passe culpabilise, avec un sentiment d’urgence et de surcharge
d’informations. Selon une étude effectuée par la société californienne Roambi en
2013 (créatrice d’une application qui transforme les données d'entreprise
brutes en graphiques conçus pour les appareils mobiles), 89 % des cadres
consultent leurs e-mails professionnels en dehors de leurs heures de travail.
« Le droit à la déconnexion doit
permettre d'éviter l’épuisement professionnel » expose Sonia Moreau, avocate spécialiste du droit social. « La porosité entre vie
professionnelle et vie personnelle est un terreau favorable au burn-out mais le
salarié à un rôle à jouer. Il est même l’acteur principal : dans de nombreux
dossiers, on s’aperçoit que quand bien même l’employeur a instauré un guide de
bonne pratique sur la déconnexion, les salariés (cadres dans la grande
majorité) n’arrivent pas à se déconnecter totalement ».
Il est parfois difficile de se déconnecter... |
Des personnes dans mon entourage m’ont
confié qu’elles ne pouvaient pas laisser une notification en attente sur leur
téléphone. Certaines me font même la remarque lorsque, en pleine conversation, je
reçois une notification : « Hey, tu as reçu un message ! » « Oui,
je sais, mais je suis en train de discuter avec toi, là... ». Il est donc
primordial, dans la vie professionnelle comme dans la vie privée, de respecter
ce droit.
1.
Il est important
de définir un horaire de travail et de s'y tenir. Trouvez un horaire quotidien
qui correspond à votre vie personnelle et vous donne suffisamment de temps pour
passer une bonne nuit de sommeil.
2.
Aménagez un
lieu dédié au travail (bureau, chambre d’amis) qui n’empiète pas sur votre lieu
de vie quotidienne. Se détacher du travail passe aussi par le cadre de vie.
3.
4.
Ne cédez pas
à l’instantanéité de la messagerie : désactivez les notifications à partir
d’une certaine heure est possible avec la fonction « ne pas déranger
5.
Appelez vos
collègues au lieu d’envoyer des e-mails ou des messages sur le tchat : en
plus de vous sentir moins seul, vous pourrez renouer avec ces discussions
informelles qui manquent tant en télétravail.
6.
Pensez à vous
déconnecter des applications professionnelles en dehors des horaires ou des
jours de travail pour ne pas être tenté de replonger dans le travail.
7.
Évitez
d’envoyer des mails en dehors des horaires de travail : utilisez plutôt la
fonction « envoi différé ».
8.
Paramétrez un
message automatique quand vous êtes absent au travail avec le numéro des
collègues à contacter en cas de besoin.
9.
Faites des
pauses !
Carole Blancot, Guide du bon usage professionnel des outils numériques et de l’exercice du droit à la déconnexion (2018), Independently published
Cet
outil précieux pour les ressources humaines comme pour les salariés vise à
donner à chacun les règles du « savoir travailler ensemble en étant
connectés ». Il combine des conseils de bonnes pratiques et des techniques
pour réussir à se déconnecter.
Sources :
·
Total
welllness ; Forum
Doctissimo ; Caceis ; Journal
du Net ; Challenges
·
Michaël Stora, Anne Ulpat, Hyperconnexion (2017),
Larousse