Mots clés: Égouts de Paris / EPI / pollution de l’air /
égoutiers / maladie et risque professionnels / produits chimiques.
Les égouts de Paris parcourent 2 380 km et
permettent le transport des eaux usées à travers la ville de Paris. Un grand
réseau comme celui-ci nécessite des entretiens réguliers, notamment par le
biais de professionnels qui sont en charge de nettoyer ces réseaux de transport
des eaux usées. Cependant il n’est pas toujours facile de travailler dans ces
conditions, c’est pourquoi ces professionnels sont dotés d’EPI (équipement de
protection individuel) pour assurer leur sécurité. Une question se pose alors,
les EPI utilisés par les égoutiers sont-ils suffisants pour assurer leur
protection ?
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Egoutier
équipé de ses EPI avec cuissardes courtes et bavette anti-blattes à l’arrière
du casque
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Les EPI utilisés par les égoutiers sont – ils suffisants pour
assurer leur protection ?
Pour les égoutiers de Paris, les EPI ne font pas
tout. En effet, malgré un nombre d’EPI important, des protections sophistiquées
et portées en permanence lors des interventions, l'ANSES (agence nationale de
sécurité, sanitaire, alimentation, environnement, travail) publie un rapport,
le 22 juin 2016, qui préconise diverses mesures complémentaires pour assurer la
sécurité à long terme de ces travailleurs.
Effectivement, lors de notre visite guidée au musée
des égouts de Paris les premiers éléments dont nous a parlé le guide, sont les
conditions de sécurité.
Il faut savoir que pour 4 intervenants travaillant dans
les égouts, 3 personnes restent en surface, dont une qui est placée devant la
bouche d’égout pour informer les personnes en-dessous des risques d’inondation
ou autres risques extérieurs. Lors de
cette descente l’égoutier est équipé d’un harnais et d’un "stop-chute" qui lui
permettent de descendre en toute sécurité. Bien qu’il y ait des barrières et une
signalisation importante, le guetteur surveille que les passants ne tombent pas à l’intérieur. Notre guide nous a parlé des maladies
que les égoutiers pouvaient attraper comme la leptostérose (maladie liée aux déjections des rats).
Les rats sont des indicateurs importants pour les
égoutiers car s’ils voient des cadavres de rats cela signifie qu’il peut y avoir un
gaz toxique. Si les rats fuient, cela peut signifier qu’il y a une crue
importante ou un danger. Les autres maladies graves sont les différentes
hépatites. Les égouts sont infestés d’insectes qui évoluent dans un endroit
insalubre et sont vecteurs de maladies ou d’infections. C’est pour cette raison
que les égoutiers portent une combinaison blanche par-dessus leur bleu de
travail, elle leur évite les piqures de moustiques qui transmettent ces maladies.
Ils disposent également d’une bavette qui se situe à l’arrière du casque pour
éviter les blattes, qui transmettent aussi des affections et des allergies.
Les EPI supplémentaires des égoutiers sont les gants,
des cuissardes cloutées pour ne pas glisser, celles-ci arrivent au-dessus des
genoux ou jusqu’en haut de l’abdomen suivant la tache à exécuter, un stop chute
(harnais), un talkie walkie, un explosimètre, un détecteur de gaz ou d’absence
d’O² (oxygène), un masque de fuite qui permet d’évacuer la zone toxique durant dix
minutes et d’un appareil d’aide respiratoire qui filtre (masque à gaz) et enfin
d’une lampe frontale.
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Guetteur en surface pour
alerter des dangers
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Nous avons également pu constater lors de notre
visite guidée que les égouts ne sentaient pas « la rose », qu’une
odeur forte s’en dégageait, peu agréable. Le guide nous a fait remarquer à
certains endroits où nous étions, que l’air ambiant nous brulait légèrement le
nez, et à d’autres endroits l’odeur sentait la lessive. Tout cela pour nous
expliquer que le liquide qui coulait sous nos pieds était un mélange de
produits chimiques, d’excréments, de pluies acides, d’hydrocarbures, de rebuts
mélangés dans un peu d’eau, bref un jus peu ragoûtant et de nature variable.
«L’égout,
c’est la conscience de la ville. Tout y converge et s’y confronte. Dans ce lieu
livide, il y a les ténèbres, mais plus de secret », écrivait Victor Hugo.
Une étude ANSES édifiante
L'ANSES a
mené une campagne de mesures chez les égoutiers parisiens entre octobre 2014 et
mars 2015. Cette campagne a montré que les égoutiers souffrent fréquemment de
symptômes digestifs, respiratoires, d'irritation du nez, de la gorge et de la
peau. On observe aussi chez eux une augmentation de la fréquence de certaines
pathologies infectieuses. Quant aux études de mortalité, une surmortalité significative a été
observée principalement pour des
cancers du foie et du poumon, sans qu'il soit possible d'identifier précisément
un ou plusieurs facteur(s) de risque responsable(s). Pour conforter les «
trop rares données de la
littérature scientifique », l'ANSES s’est appuyée sur la campagne
de mesures menée chez les égoutiers parisiens. Cette campagne a montré qu'ils étaient
exposés à un «cocktail d'agents chimiques et biologiques», et notamment des
composés «cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques» les CMR. Comme nous l’avons
vu précédemment les égouts drainent dans des lieux confinés, sans ouverture, une
mixtion chimique et toxique. Dans ces canalisations de grande taille il y a un
bouillonnement constant qui favorise le contact et l’échange avec l’air
ambiant, dans certain endroit l’atmosphère est brumeuse.
Des pistes de solutions?
Pourquoi les EPI sont-ils,
aujourd’hui, insuffisants à la protection des égoutiers de Paris ? Quelle
solution peut-être envisagée ? L’ère industrielle a développé
d’énormes quantités de produits chimiques pour différentes taches sous
différentes formes qui n’existaient pas à la création des égouts. Les égoutiers
ont adapté au fils du temps leurs EPI aux risques visibles et détectables.
Aujourd’hui la toxicité n’est plus visible car il s’agit de quantités faibles
mais qui s’accumulent et interagissent entre elles. De plus l’alchimie de ces
faibles accumulations toxiques change constamment de composition, ce qui les
rend indétectable. Lors de la visite nous nous sommes aperçus que les égoutiers
portaient une aide respiratoire seulement quand ils détectaient, à l’aide d’un
détecteur de gaz (EPI), un risque .Il n y a pas eu de prise de conscience que
l’air respiré est constamment vicié et que la composition de l’air inspiré
s’échange directement avec le sang dans nos poumons.
Pour
s’adapter à ce nouveau problème, la réflexion suivante vient à se poser :
quelles sont les mesures que nous devons mettre en place pour assurer à long
terme la santé et la sécurité de ces travailleurs. Il faut privilégier les
protections collectives, de ce fait, il est envisagé de créer des aérations
vers l’extérieur dont certaines sont déjà en test. Ses aérations sont composées
de filtre à base d’algues. D’autres préconisations sont, d’aérer les zones de
travail 20 minutes avant toute descente dans les égouts, de créer une formation
professionnelle obligatoire, de mettre en œuvre des consignes d’hygiène et de
sécurité, un suivi médical renforcé avec la mise en place d’études
épidémiologiques. Avec la réforme Fillon, les égoutiers ont le droit à la
retraite à 52 ans avec une durée de travail sous terre de 12 ans maximum, mais
il reste la question, en cas de changement de métier, auront-ils toujours le
droit à la retraite à 52 ans ? « Pendant
que l’administration fait des rapports des gens meurent ! » pour
le Docteur Claude Danglot, la dangerosité du métier n’est plus à démontrer.
Concernant les protections collectives, en mettant
en place des canaux d’aération spécifiques, même filtrés par les algues au
niveau des égouts, les résultats devraient être certes significatifs pour les
égoutiers, mais à terme, l’air vicié qui est cantonné, aujourd’hui par manque
d’aération et d’ouverture dans les égouts parisiens, qui pour mémoire
parcourent 2 380 kms, risque, en cas de mise en place d’extraction d’air,
d’augmenter la pollution extérieure de Paris qui sera alors sujette à une
exposition de nouvelles pollutions (mixtion chimique et toxique) et dont il
faut d’ores et déjà calculer l’envergure.
Quelque soit les mesures mises en place, il apparait
évident que les égoutiers devraient porter des masques à aide respiratoire de
façon continue car la principale source et cause de leur surmortalité
significative est de travailler dans un environnement ou s’effectue à hauteur
d’homme un échange entre une mixtion liquide, toxique et l’air respiré et ce
avant que cet air vicié soit évacué.